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Le Web-planning sur Internet

par Alexandre Chirouze et Yves Chirouze, juillet 2001.

Le webplanning consiste à choisir les sites-supports utilisés lors d'une campagne de publicité sur Internet et à établir le calendrier de délivrance des bandeaux en fonction des objectifs et du budget de l'annonceur. Ce n'est en réalité que le support planning du média Internet comme il en existe pour les autres grands médias publicitaires.

I - La place d'Internet dans une stratégie médias

La sélection des sites-supports est donc postérieure à la définition de la stratégie médias et fait suite à la décision, soit de mener une campagne publicitaire uniquement en ligne (stratégie mono-média), soit d'adopter une approche pluri-média (Internet plus un ou plusieurs grands médias : télévision, presse, affichage, radio, cinéma, et/ou hors-médias). Malheureusement, la complémentarité entre la publicité sur Internet et les autres médias/hors médias n'a pas fait l'objet d'études sérieuses pour en conclure en une synergie quelconque. B. Bathelot écrit à ce sujet : " A l'heure actuelle, un site dédié peut être utilisé comme complément direct à une campagne off-line, mais les synergies bandeaux/médias traditionnels sont encore mal connues. Il est cependant probable qu'une répartition des tâches puisse se faire en fonction des caractéristiques propres à chaque média, les grands médias travaillant la notoriété et les annonces on-line privilégiant une approche plus directe " (B. Bathelot, Calendrier et agencement de campagne, www.abc-netmarketing.com).

Ceci conduirait à spécialiser les médias en fonction des objectifs de communication à atteindre. Par exemple, en cas d'objectifs cognitif (faire connaître la marque et ses qualités) et affectif (construire une image), la presse, la télévision, l'affichage et le cinéma seraient préférés à la Radio et à Internet qui seraient choisis pour remplir un objectif conatif (provoquer un type de comportement : trafic, achat).

Toutefois, le risque de cette répartition des tâches est de cantonner la publicité sur Internet aux actions sur les ventes et le trafic. Or, la publicité sur Internet est parfaitement capable de remplir des objectifs de notoriété et d'image.

II - Le choix des sites-supports

Le choix des sites-supports qui vont véhiculer le message publicitaire repose sur plusieurs critères et techniques largement inspirés de ceux et celles utilisés pour choisir les supports dans les autres grands médias. Toutefois, disposant de moins d'informations chiffrées que les médiaplanneurs des autres médias, le webplanner utilisera plus que ces derniers son intuition, sa créativité, ses connaissances propres et son réseau relationnel pour sélectionner non seulement les supports, mais aussi, souvent, les bouquets thématiques, les rubriques et les mots-clés pour mettre en place une politique de communication ciblée.

Il va sans dire que progressivement, au fur et à mesure que des mesures d'audience et des modèles programmés de décision se développeront, le métier de webplanner tendra à se confondre à celui des média-planneurs des grands médias. Cette tendance se ressent déjà dans l'affectation des budgets : " alors que l'offre est abondante, la très grande majorité des investissements publicitaires se concentre sur quelques dizaines de sites dans une proportion probablement plus élevée que la concentration du trafic. Cette tendance est dûe aux contraintes économiques (liées à la mise en place d'une campagne sur des sites d'importance moyenne voire modeste qui n'intéressent pas forcément les régies) mais peut-être également à une certaine timidité des webplanners envers les supports plus modestes pour lesquels ils n'ont pas toujours les données qualitatives d'audience qu'ils souhaiteraient " (B. Bathelot, Publicité on line, Principes et caractéristiques du webplanning, www.abc-netmarketing.com).

Le webplanning nécessite, comme tout plan médias et supports, de définir les objectifs de communication affectés à Internet, et la ou les cibles à atteindre.(Xavier Dordor, L'esprit média. Pour choisir et utiliser les médias en publicité, InterEditions, 1989, 323 pages).

A - Les objectifs de la publicité par Internet

Selon les 29 auteurs de l'ouvrage collectif de l'I.A.B., coordonné par François-Xavier Hussherr (La publicité sur internet, Dunod, 1999, 237 pages), une campagne sur Internet peut se voir assignée de nombreux objectifs différents :

  • un objectif de notoriété (niveau cognitif)
  • un objectif d'image (niveau affectif)
  • un objectif de constitution de données de clients/prospects
  • un objectif de création de trafic (niveau conatif)
  • un objectif de vente directe (niveau conatif)

Il est clair que plus le nombre d'objectifs sera limité, plus les chances de les atteindre seront fortes. De même, ces objectifs sont généralement fixés en même temps que les cibles visées sont définies.

B - Les cibles visés

Les sites supports choisis doivent être en adéquation avec les cibles visées. Dans le cas contraire, le message véhiculé par les sites ne serait, ni vu, ni entendu par les internautes composant la cible, ce qui serait un gâchis. Les cibles peuvent être composées de professionnels ou de particuliers. Ces derniers peuvent être d'un profil bien précis ou appartenir au grand public. Il va de soi que selon le profil de la cible, les supports qui seront sélectionnés seront différents. Pour une campagne grand public, les sites fédérateurs d'audience tels que les portails (AOL, Yahoo, Voilà, etc.) seront préférés aux sites thématiques.

C - Les critères de choix des supports

Le médiaplanneur Internet ou webplanner utilise des critères qualitatifs et quantitatifs lors de la sélection des sites-supports.

1) Les critères qualitatifs de sélection de sites supports

La jeunesse d'Internet est pour beaucoup dans cette utilisation des approches empiriques presque totalement disparues dans les autres médias au profit de modèles mathématiques. Les mesures d'audience des sites Internet faisant l'objet de nombreuses contestations, les webplanners semblent attendre qu'un organisme, tel que Médiamétrie, s'impose comme référence.

Parmi les critères qualitatifs employés, citons :

  • la qualité du contenu du site : qualité des différentes pages et des liens, qualité du design, des couleurs, du son, etc.
  • la tendance du trafic sur le site : en hausse, en baisse, saisonnière, etc.,
  • le contexte publicitaire : volume publicitaire dans le site envisagé comme support, présence ou absence de publicité concurrente
  • les caractéristiques techniques : formats des bannières, qualité de la mise en page, qualité de l'ergonomie, etc.
  • la notoriété et l'image du site et de ses sponsors
  • et, dans le cas le plus fréquent d'une combinaison de sites-supports, leur compatibilité en termes d'images, leur complémentarité en termes d'audiences (selon l'objectif souhaité : - pour une large couverture, une non-duplication des audiences, - pour une forte répétition du message : une duplication des audiences)
  • etc.

Ces critères qualitatifs sont utilisés, soit pour pré-sélectionner un certain nombre de sites pour lesquels le webplanner estimera un certain nombre de critères quantitatifs, soit pour éliminer des sites-supports bien classés après une évaluation à partir de critères quantitatifs, soit dans les deux cas. Certains webplanners continuent, cependant, à n'utiliser que des critères qualitatifs.

2) Les critères quantitatifs de sélection des supports

Comme pour un support-planning dans les autres médias, le webplanner va généralement utiliser des critères d'audience (de puissance), d'affinité (adéquation avec la cible visée) et d'économie (CPM).

    a - Les indicateurs d'audience d'un site
    (voir plus en détail)

    b - Les indicateurs d'affinité
    L'affinité est la proximité qui existe entre le support et la cible visée. Dans les grands médias traditionnels, les chiffres du C.E.S.P. permettent d'estimer l'audience utile d'un support., c'est-à-dire la part de l'audience totale d'un support qui correspond à la cible de l'annonceur.
    Pour exprimer l'affinité, il suffit alors de calculer le rapport [Audience utile/ Audience totale].
    Ne disposant pas toujours de statistiques de profils d'audience fiables, les webplanners apprécient l'affinité de plusieurs manières :

    • en utilisant les origines géographiques des consultations. Comme l'écrit le C.E.S.P., ces dernières sont " repérées par la nationalité correspondant à l'adresse électronique de l'utilisateur (par exemple : .fr pour France, .be pour France) ou l'identification du fournisseur d'accès (par exemple : Wanadoo, AOL, etc.) " ;
    • en analysant le contexte rédactionnel du site envisagé comme support. Si la thématique du site réunit une communauté d'intérêts, on en déduira la cible qu'il est censé toucher. Cette approche est, néanmoins, très qualitative pour ne pas dire intuitive ;
    • en étudiant les résultats des études d'audience menées par les sites ou par des instituts ou cabinets d'études. Cette approche nécessite toutefois un certain esprit critique pour juger de la qualité de la méthodologie utilisée et de la fiabilité des résultats. Mais, Internet devenant un média publicitaire comme les autres, les webplanners utiliseront de plus en plus les sources de données suivantes :
    • Les bases de données internes des supports, des agences Web et des régies. Elles fournissent des informations sur les campagnes précédentes (taux de clics, coût au clic, profil des visiteurs si un questionnaire qualifié sur les sites a été mis en place).
    • Les panels. Les personnes qui composent ces échantillons permanents, interrogés périodiquement sur leurs habitudes sur le web, ont un profil socio-démographique connu. Les panels peuvent donc donner des profils d'audience des principaux sites supports.
    • Les piges publicitaires. Ces outils de veille concurrentielle sont accessibles par abonnement en ligne. Ils permettent de connaître dans les moindres détails (supports, formats des bannières, calendrier des passages, création, budget d'achat d'espace, et part de voix) les campagnes des différents annonceurs en ligne, notamment ses concurrents directs. Alors que les piges publicitaires étaient jusqu'alors réservées aux entreprises à gros budget, depuis avril 2001, les Petites et Moyennes Entreprises peuvent bénéficier de la pige gratuite admorning.com.
    • Les études spécialisées. Menées par des sociétés d'études de plus en plus nombreuses telles que Médiangles, Novatris, Motivaction, elles mesurent et qualifient l'audience (profiling), étudient le comportement des internautes (taux de clics, etc.). Ces études, dont certaines sont reconnues par le C.E.S.P., sont généralement réalisées par sondage téléphonique ou en ligne. Les résultats ne sont donc que des estimations dont la validité dépend essentiellement de la méthodologie employée. Par ailleurs, ces études ne concernent qu'une petite proportion des sites existants et potentiellement supports publicitaires.

    c - Les indicateurs d'économie
    La notion d'économie intègre le coût d'une annonce dans le support considéré. Dans les grands médias, la notion d'économie est estimée pour 1000 personnes, par le calcul dit du coût au mille : [Coût au mille = (Coût de l'annonce/Audience)x 1000].
    Les webplanners ont repris ce critère de coût au mille avec une nette adaptation dûe au fait qu'un site est généralement composé de nombreuses pages web. Ils le calculent non plus par rapport à l'audience du support tout entier, mais par rapport au PAP, nombre de pages avec publicité vues sur site : le CPM-PAP.
    Le CPM-PAP, coût pour mille pages avec publicité vues sur site, est le coût d'achat d'espace publicitaire d'un site ramené à une base de 1000 pages dédiées à la publicité, autrement dit le coût pour 1000 contacts publicitaires distribués par le site support. L'intérêt de ce critère est qu'il permet de comparer les tarifs publicitaires des différents sites envisagés comme supports.
    Certains webplanners le complètent néanmoins par le coût au clic, CPC, voire par le
    Coût par million de pixels (CMP). Ce dernier est apparu récemment (Advitamin, Idées, d'optimisation économique d'achat d'espace, 15 janvier 2001) pour répondre aux attentes des webplanners qui ne pouvaient pas comparer économiquement des formats de bannières différents.
    " Comment comparer économiquement un 88 x 60 et un 468 x60 respectivement à 75 et à 350 francs de CPM ?" (www.bigbenpub.free.fr/LDIcom170101.htm).

3) La loi des scores et les autres critères quantitatifs utilisés

Certains webplanners ne se contentent pas des trois échelles de puissance, d'affinité et d'économie pour classer et choisir les sites-supports, selon la classique loi des scores. La loi des scores est une méthode de classement des supports publicitaires, critiquée mais toujours très utilisée dans les médias traditionnels, qui consiste à chercher le rang de chaque support pré-selectionné selon les critères d'audience, d'affinité et d'économie, à additionner les trois rangs ainsi obtenus puis de les classer, le meilleur support étant celui ayant la somme des rangs la plus faible. Les médiaplanneurs se refusant généralement à avouer qu'ils utilisent cette méthode si " simpliste ", nous n'avons pas pu confirmer ou infirmer l'utilisation de cette loi en webplanning.

Il semble toutefois que les webplanners ayant une approche toujours plus qualitative que quantitative aient tendance à ne pas se contenter de trois critères de choix. En outre, certains d'entre eux utilisent d'autres indicateurs quantitatifs tels que le fameux taux de clics, le NOP, ou nombre d'objets publicitaires et la part de voix.

  • Le taux de clics est un indicateur spécifique à la publicité sur internet. Il se rapproche du taux de réponse ou du taux de remontée à la suite d'une campagne de marketing direct proposant un complément d'informations (et non un achat direct). Le taux de clics, par définition, n'est connu qu'après la fin de la campagne en ligne. Toutefois, comme en marketing direct, il est possible de procéder à des pré-tests pour en avoir une estimation. Mais les webplanners ont tendance à se fier aux taux de clics obtenus lors des campagnes précédentes sur les sites pré-sélectionnés en prenant la précaution de comparer les taux de clics des sites en question pour un même bandeau publicitaire (ce qui limite néanmoins l'éventail de choix et de comparaisons). Cependant, le taux de clics qui fut le principal indicateur d'efficacité est de plus en plus remis en cause par les webagences qui lui reprochent de mesurer les effets conatifs du message publicitaire alors que celui-ci touche également les niveaux cognitifs et affectifs. L'effet de mémorisation n'est pas pris en compte et, plus ennuyeux peut-être pour un critère conatif, le taux de clics n'augure pas le taux de transformation en action-achat après le clic.
  • Le coût au clic est également utilisé dans le même esprit que le taux de clics. Il se calcule après campagne mais peut faire l'objet d'une prévision avant campagne en faisant le rapport coût de la campagne/nombre de clics.
  • Le NOP, nombre d'objets publicitaires, est le nombre d'espaces publicitaires commercialisés sur une page dédiée à la publicité. Il est toujours d'au moins 1 et peut aller jusqu'à 10. Certains sites n'hésitent pas à afficher sur la même page des objets publicitaires de marques concurrentes. Par conséquent, le NOP prend en considération la baisse de l'efficacité publicitaire induite par l'encombrement des pages en publicités.
  • La part de voix correspond au pourcentage de visibilité de la campagne sur un support. En webplanning, la part de voix se calcule en faisant le rapport PAP achetées sur PAP total que peut distribuer le site. Le principe sous-jacent est que pour être vu et entendu, il faut avoir la plus forte part de voix possible.

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