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Les nouveaux formats d'e-pub

«Les nouveaux formats publicitaires en ligne», solution, révolution ou fuite en avant ? Voilà la question à laquelle a tenté de répondre Digital Business Surveys, le département d’étude du groupe de communication Digital Business. Depuis l’apparition du premier bandeau jusqu’à l’eKrach de mars 2000, les publicitaires et de nombreux managers avaient basé leur business model sur les revenus publicitaires. Aujourd’hui de nouvelles problématiques s’imposent : taux de clic moribond, modification du profil des Internautes ou encore évolution technologique du média modifient la perception habituelle du marché publicitaire. Cette étude s’attache donc à présenter en parallèle l’apparition des formats publicitaires innovants sur l’Internet français et l’émergence de principes naissants.

Réalisée à partir d’une enquête auprès d’un panel d’une cinquantaine de spécialistes, l’étude traite dans un premier temps des différentes typologies de formats proposés, puis les compare avec les outils traditionnellement utilisés jusque-là. La typologie des nouveaux formats de l’ePub présente ainsi les nouveaux supports (interstitiels, bandeaux extensibles, billboard, etc.) puis s’intéresse plus particulièrement aux nouveaux supports (iTV, Wap, etc.) Cette première partie se conclut sur la présentation de l’eMailing en temps qu’outil de marketing direct. Le second volet de l’étude tente de faire comprendre la dynamique de l’émergence des nouveaux formats. Composée de données contextuelles sur le marché (investissements publicitaires, nombre d’Internautes, etc.), cette partie recense également les attentes des annonceurs, traditionnels ou non, et souligne le discours et le positionnement des agences de communication, des centrales d’achat et des régies pour s’adapter à ces différentes évolutions. La troisième partie présente la méthodologie de l’enquête et donne différentes indications chiffrées et tarifaires sur les nouveaux formats. Des recommandations opérationnelles à l’attention des annonceurs et des éditeurs concluent cette étude.

Quelle importance donner aux nouveaux médias ?

La typologie des nouveaux formats débute par une présentation du rich media qui permet de « multiplier les perceptions sensorielles pour attirer l’Internaute ». Le rich media est défini comme incluant au moins un contenu multimédia, par exemple une image animée, du son ou de la vidéo, ces contenus offrant une interactivité avec l’Internaute au-delà du simple clic. On parle alors de « click within » à l’inverse du « click through » traditionnel. S’il permet d’obtenir de meilleur résultat qu’un bandeau classique, le rich media était toutefois jusque-là fortement limité par son poids trop important pour être lisible par la moyenne des Internautes. Le niveau des équipements qui s’éleve progressivement et l’arrivée du haut débit devraient toutefois en faire un standard dans les années à venir. Les coûts de conception des bandeaux rich media ont également freiné son expansion mais l’arrivée des annonceurs classiques sur le marché, avec des budgets nettement plus élevés que les seules dot com, devrait contribuer à l’extension de ce format.

Renault, Voila, L’Oréal ou Lycos ont ainsi commencé à utiliser des bandeaux sonores dès 2000 avec des résultats plus intéressants que les bandeaux classiques. Des acteurs comme e-Medias Production se positionnent même exclusivement sur la fourniture de prestations dans ce domaine. A un niveau plus large, mCity du groupe Lagardère compte dans une large mesure sur ses activités b-to-b et ses prestations de marketing sonore pour atteindre l’équilibre. La demande dans ce domaine étant également exponentielle, de plus en plus d’annonceurs cherchent à recréer sur le Web l’univers classique (texte, son et audio) de leur marque.

ViewOnTv s’est également positionné sur le marché de la conception et la réalisation de bandeaux vidéo, qui réalisent des taux de clic moyens compris entre 4 % et 5 %. Ce type de bandeau permet également de réduire le budget d’un annonceur qui peut alors réutiliser son spot TV classique ou reconfiguré pour le Web, mais sans avoir à supporter de nouveaux coûts de production. Le superstitiel, lancé pour la première fois par Ad Pepper Média, rentre dans cette catégorie avec, selon Valérie Moissonnier, ex-directrice générale de la filiale française, des taux de clic supérieurs à 6 %. Yahoo lui-même se montre intéressé par cette stratégie et le rachat de la société Broadvision en 1999 lui permet d’intégrer du streaming dans ses bandeaux.

Développement de pure-players sur des niches

La société Hypnotizer est allée encore plus loin dans ce domaine en développant une technologie permettant, dans une vidéo, de faire figurer des incrustations en adéquation avec les attentes des Internautes. Tous les acteurs du monde publicitaire (agence, régies et centrales) regardent activement dans la direction du streaming et développent des offres et des services pour répondre aux nouvelles demandes de ce marché. Outre le son et la vidéo, les nouveaux formats recueillent l’attention de ces acteurs. Le billboard (fenêtre quinze fois supérieure à un bandeau traditionnel s’affichant lors de la requête d’un Internaute) lancé par Webhelp obtiendrait ainsi un taux de clic moyen de 52 % avec un coût de contact pour l’annonceur de 8 F, contre 0,32 % et 30 F pour un bandeau classique.

Les bandeaux incluant des jeux simples (quizz, vrai/faux, etc.) obtiennent également de bons résultats et permettent surtout aux annonceurs d’accroître leurs bases de données car, pour participer, les Internautes doivent généralement laisser leur eMail, le Webgrattage de Bingopoly ou le puzzle de Oneplayer représentant les références les plus connues dans ce domaine. Les interstitiels (bandeaux s’affichant entre le téléchargement de deux pages) rentrent dans cette catégorie. Malgré le risque négatif pour l’annonceur à cause de la lourdeur du système, il permet de diffuser un message à un public particulièrement captif, et ceci sur la taille d’une page Web. Les bandeaux extensibles, les bandeaux actualisés en temps réel, la christmas-box (fenêtre pop-up s’affichant lors d’événements particuliers) ou la publicité volante out-of-box (affichage d’un message qui traverse l’écran avec un mouvement aléatoire) complètent cette panoplie qui outrepasse largement la seule bannière.

L’IAB a d’ailleurs reconnu officiellement le 21 février sept nouveaux formats pour permettre à la publicité de se développer correctement. Plus larges, plus grands, plus hauts ou plus gros, ces nouveaux formats doivent normalement permettre aux taux de clic de dépasser le stade moyen des 0,32 %.

Selon Digital Business Surveys, les bandeaux rich media sont toutefois victimes de trois grandes barrières : technologique, car ils impliquent que les Internautes soient suffisamment équipés pour les percevoir, psychologique, car ils possèdent un coefficient d’intrusivité supérieur à celui des bandeaux classiques, et financière, car leur coût de conception-réalisation est 1,5 à 2 fois supérieur à celui des bannières classiques.

La publicité sur les nouveaux supports est également un sujet important de réflexion actuellement pour les acteurs du monde publicitaire. Le faux espoir du Wap et le nombre croissant de SMS envoyés confirment la volonté de suivre plus précisément des Internautes de plus en plus mobiles. Wanadoo Voila Régie propose ainsi aux annonceurs d’être présents dans les rubriques shopping de Voila Mobile, mais également de communiquer en tête de liste sur le guide Voila Wap. A l’inverse, la régie Numériland a carrément décidé d’abandonner ses travaux dans le domaine du Wap. La télévision interactive, malgré les difficultés des principaux acteurs comme Nouvo ou ClicVision sur le Web francophone, attire toutefois les annonceurs.

De leur côté, 75 % des publicités télévisées classiques devraient être interactives d’ici 2004. Les guides de programmes électroniques (EPG) généreront en outre, selon Forrester Research, 4,3 milliards de dollars de recettes publicitaires en 2004. Ils concurrenceront alors, toujours selon le cabinet américain, les portails classiques comme porte d’entrée à l’interactivité. Une publicité Audi diffusée sur TPS permettait ainsi au public de prendre rendez-vous avec un concessionnaire juste en utilisant les boutons de sa télécommande. De son côté, le sponsoring d’une rubrique de Nouvo.com a généré un taux de clic compris entre 10 % et 12 %. Mais ces seuls revenus publicitaires n’arrivent pas à assurer la viabilité économique des WebTV comme le rappelle Cyril Barthet, président-directeur général et fondateur de Cafecalva.com. S’il dépasse le simple cadre de l’étude, ce problème de financement est toutefois lié à l’essor de la publicité dans ce domaine.

Un marché neuf mais en pleine croissance

Sans nouveaux modes de diffusion, la publicité verra ses capacités d’évolution naturellement réduites. Les Webradios vivent sensiblement avec une logique similaire et les Europeinfos.com, les Diora et autres Netradio ou Centpourcent ne peuvent se contenter de la publicité classique. Disposant d'un public moyen plus mûr que celui des autres sites Web, elles doivent donc commercialiser des espaces à plus forte valeur ajoutée pour espérer prospérer.

Toutefois, toutes les innovations ne sont pas couronnées de succès et la mort puis le retour de la société Médiabarre, qui rémunère les Internautes en fonction de leur surf, souligne la difficulté de ce modèle. Idem pour les clic forcés de nombreuses loteries qui, s’ils permettent d’augmenter sensiblement le nombre de pages vues de l’annonceur, ne permettent pas aux annonceurs de compter sur des taux de transformation intéressants. En revanche, l’eMailing est, lui, au cœur de toutes les préoccupations. Développé par Seith Godin, le « permission marketing » permet ainsi d’envoyer des messages particulièrement ciblés à des annonceurs qui ont expressément spécifié leur accord.

Le caractère publicitaire du message disparaît alors devant la notion de service. La société Atomiz a accentué ce concept en proposant l’envoi d’eMails contenant des animations sonores ou vidéo. Une étude menée par E Groupe en janvier souligne ainsi que 47 % des Internautes ayant reçu un eMail de ce type de la part d’un site d’emploi ont visionné l’animation et se sont ensuite connectés au site. Pointop propose pour sa part de lancer des campagnes sur une base de plus de 100 000 membres ciblés avec plus de 600 items. Enfin, le sponsoring de rubriques ou de newsletters permet de faire cohabiter un contenu précis avec l’univers de la marque.

Aujourd’hui, le marché français est encore jeune avec 6,8 millions d’Internautes selon MMXI ou 6,6 millions selon Netvalue en décembre dernier mais, selon IDC, ce chiffre passera à 20,2 millions en 2003. Ces mêmes Internautes se sont d’ailleurs connectés 6 heures et 32 minutes en janvier dernier. En dépassant, en 2000, la barre du milliard de francs d’investissement en net, le marché de la publicité en ligne francophone a dépassé pour la première fois le cinéma et ce, malgré un taux de clic moyen passé de 0,44 % en septembre 2000 à 0,32 % en janvier 2000, quasiment similaire à celui du Royaume-Uni (0,33 %) mais inférieur à celui de l’Allemagne (0,58 %). Selon des chiffres de The Internet Monitor de février 2001, 30 % des Français jugent la publicité en ligne informative, 23 % la considèrent ennuyeuse, 21 % pensant qu’elle est utile et 16 % la trouvant distrayante.

Adaptation des outils de la publicité traditionnelle

L'étude de Digital Business Surveys insiste par ailleurs sur le problème de dimension du marché et la carence des outils de mesure et d’analyse, qui ralentissent les annonceurs traditionnels dans leur volonté d’investir massivement en ligne. Ces deux contraintes devraient s’estomper avec le temps et, aujourd’hui, les annonceurs ont identifié 4 formes de communication : la promotion, le rajeunissement de la marque, l’appropriation d’un territoire commercial et l’identification de la marque à un événement. La publicité classique mettant en avant le produit est peu adoptée sur le Web même si la tendance semble s’inverser.

Les annonceurs traditionnels derniers choisissent d’ailleurs d’utiliser le Web pour créer de nouveaux sites en adéquation avec leur image. Unilever a ainsi lancé, via sa marque Coral, le site Planetmode.com dédié aux jeunes créateurs et aux 25/40 ans alors que Bouygues Telecom Entreprises lançait avec Business Lab des publicités dont « Vous êtes le héros » en octobre 1999 pour donner un côté humoristique au marché de la téléphonie. Idem pour Uncle Bens qui s’approprie la cuisine toute entière, pour Always qui s’associe au cycle menstruel de la femme et à Pampers qui s’identifie à l’univers parental tout entier. Renault proposait également pour le lancement de la Laguna une campagne en rich media avec des bandeaux dans lesquels l’Internaute pouvait faire jouer une boîte de vitesse. De son côté, le groupe Rémy Martin spécialisé dans les vins et spiritueux a lancé le site Remyattitude pour sortir de son image vieillissante et proposer son cognac dans des lieux à la mode.

Reste que ces travaux et ces déploiements dépendent en grande partie des agences de communication, qui doivent guider leurs clients traditionnels dans leur approche du Web. Elles doivent également faire le lien entre la demande d’un client, ses souhaits en matière technologique, la capacité d’adaptation des régies pour la diffusion de formats innovants et les caractéristiques de connectivité du public. De leur côté, les centrales d’achat misent sur les nouveaux formats pour légitimer le média Internet.

Tous les acteurs du monde de la publicité en ligne doivent s'adapter

Ces centrales sont toutefois soumises aux difficultés technologiques et surtout statistiques de l’évaluation du média et de l’audience des sites sur lesquels elles souhaitent annoncer. Couplées à la mise en place d’études de pré-test et de post-test pour mesurer l’efficacité des campagnes, les nouveaux formats devraient contribuer à séduire les annonceurs traditionnels. A l’opposé de la chaîne, les régies sont contraintes d’appliquer ces nouveaux formats et de jongler avec différentes innovations technologiques pour répondre à l’attente des annonceurs et des centrales, tout en supportant des coûts inhérents à cette adaptation obligatoire. Elles devront effectuer cette gymnastique tout en créant et développant des laboratoires de veille capables de leur faire percevoir les tendances de demain.

De leur côté, les éditeurs de services Internet doivent garder comme priorité le confort de leurs visiteurs autant face à la forme que le fonds des messages diffusés, tout en adaptant leur base technologique à la diffusion de bandeaux sur des formats innovants. Guillaume Oudenot, directeur commercial de Numériland, estime ainsi que 60 % des sites en régie sont prêts à afficher du rich media. S’ils acceptent le rich media, certains annonceurs comme Yahoo ! ou Excite ne communiquent toutefois que via des… bandeaux classiques. Ce décalage illustre bien la situation actuelle du marché entre découverte et crainte de ne pas satisfaire un Internaute ou, pire, de le perdre. D’un point de vue tarifaire, l’équation est simple : un bandeau rich media coûte entre 4 500 et 6 000 francs contre 3 000 francs en moyenne pour un bandeau classique. Et si son CPM est plus important, il n’est pas prouvé que les taux de clic enregistrés compensent cette surfacturation et, indirectement, les investissements technologiques réalisés par les régies ou les sites éditeurs.

En moyenne, les espaces en rich media sont facturés entre 10 et 30 % plus cher que le CPM classique. Mais outre l’historique coût au clic, le marché se déplace maintenant vers des notions plus proches des médias traditionnels comme la mesure du taux de notoriété ou le coût d’exposition d’une marque.

La publicité en ligne rentre dans une seconde phase. Le taux de clic n’est plus le seul vecteur de mesure de son efficacité et les annonceurs classiques, s’ils investissent encore peu sur le Réseau, considèrent le Web comme indispensable dans leur stratégie de communication. Couplé à des actions de marketing classique, il permet surtout de renforcer la relation entre une marque et ses consommateurs et, là, il devance sérieusement les autres supports. Outil de marketing direct ou véritable média ? Une réponse précise ne peut caractériser le Réseau des réseaux. S’il paraît indéniable que les nouveaux médias vont accroître sa place leur intégration représente le nouveau chantier auquel doivent s’atteler les acteurs du monde publicitaire. Demain, les mêmes questions se poseront.

Extrait de Digital Business, 23 avril 2002