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La publicité sur Internet parie sur la reprise

Le secteur de la publicité en ligne est-il durablement en crise, ou bien à la veille d'un rebond ? L'arrivée des connexions à haut débit crée le rêve de nouveaux marchés.

La publicité Internet est au croisement d'au moins deux crises, celle de la publicité en général depuis le 11 septembre, et celle du on-line, déstabilisé depuis plus d'un an. Selon les syndicats professionnels comme les grandes agences, cette crise devrait durer jusqu'au premier semestre 2002, avec un recul historique de 2 % selon le président d'Havas Advertising. Ce recul était de 9 % sur les neufs premiers mois en 2001. Une étude de l'IAB (Interactive Advertising Bureau) affirme qu'avec 558 millions de francs nets investis au premier semestre 2001 le marché de l'e-pub reste stable au regard du premier semestre 2000. En revanche, on constate pour la première fois un recul du marché entre deux périodes : les investissements publicitaires sur Internet ont diminué de 14 % entre le deuxième semestre 2000 et le premier semestre 2001.

"Crise de croissance". Au fil de cette crise, l'explosion des agences de communication on-line et de création de sites a été suivie de leur dépôt de bilan, à l'exception de celles des grands groupes. Bénéficiant d'un soutien financier, ces dernières se sont contentées de diminuer leurs effectifs.

"La publicité on-line est sur un marché émergent et vit actuellement une crise de croissance, note Philippe Legendre, directeur de l'AACC (Association des agences de conseil en communication). Mais elle doit fatalement se redévelopper sur des bases plus saines car tous les sites Internet l'intègrent au coeur de leur business model et les internautes ont tendance à épouser le comportement du consommateur lambda".

Plusieurs facteurs de reprise existent : l'augmentation globale du nombre des internautes, leur comportement de consommateur en ligne, leur réceptivité aux réclames sur le Web, sans oublier le fameux moral de la ménagère de moins de 50 ans qui influe sur toute l'économie du secteur. L'arrivée des connexions Web permanentes à bon marché, et par ailleurs la multiplication des offres en haut débit donnent une certaine crédibilité à ces prévisions. Cela suppose que l'augmentation globale du temps passé sur Internet par les ménages générera une audience forte et des habitudes d'achat en ligne tout en banalisant ce média. L'IAB affirme que "le palmarès des secteurs annonceurs sur Internet est sensiblement modifié". Pour le semestre en cours, le premier annonceur sur Internet est le secteur de la vente par correspondance (19 %), suivi de la banque (12 %) ; les nouveaux médias reculent de trois places au classement avec 10 %, suivis de l'informatique qui progresse à 9 % et du secteur tourisme et voyages, également à 9 %. "Ce classement constitue un indicateur positif, a déclaré Guillaume Buffet, président de l'IAB France. Il montre qu'Internet a su séduire de nouveaux annonceurs, plus traditionnels, plus exigeants. Cela prouve, en dépit de résultats globaux décevants, qu'Internet a vocation à se positionner comme le 6e média à part entière."

Gratuits et sans inscription. Cependant, d'autres analyses de fond, plus sombres, prévoient un léger ralentissement de la consommation du fait du passage à l'euro, même si la monnaie unique simplifie grandement la conception de services e-commerce au niveau européen. De même la perspective des élections législatives et présidentielles ne présage pas d'une bonne activité économique.

Pour parler de la cible principale, il faut tout de même rappeler qu'une majorité d'internautes mise sur l'Internet des services et contenus gratuits, si possible sans inscription et avec peu de pub. Il est toujours exceptionnel de faire ses courses sur Internet ou de prendre des billets en comparaison à l'achat classique, à moins de bénéficier de réductions incroyables.

Dans ce climat, la publicité en ligne est l'art de séduire des ingrats. Il faut faire des miracles dans des formats réduits, de bannières, d'animation ou de fenêtres quand la plupart des internautes les ferment avant leur chargement et se passent de la présentation animée prévue en guise d'accueil.

Il y a certainement de nouvelles astuces à trouver pour éviter que la publicité en ligne soit considérée comme une nuisance dont on peut disposer à la faveur d'un clic de souris. Il est vrai que le temps de chargement de fenêtres rappelle à de nombreux internautes leur situation souvent déplorable : connexions lentes, bande passante très limitée. On peut cependant imaginer que la généralisation du haut débit permettra des audaces qui n'ont pas encore été inventées mais qui marqueront la pub en ligne. Après tout, à leurs débuts, le bandeau publicitaire et le bouton marchand étaient quasiment considérés comme une révolution.

Extrait de La Tribune, le 20 décembre 2001